Atteignant 596 000 habitants en 1990 (1 479 000 pour l’agglomération), Tunis concentrait alors un sixième de la population de la Tunisie. Cette exceptionnelle importance découle de son triple rôle de capitale politique, économique et intellectuelle, qui place Tunis loin devant toutes les autres villes du pays.
Une telle importance tient à une position géographique remarquable, qui avait déjà fait la fortune de l’antique Carthage. À l’extrémité orientale du Maghreb, le beau golfe au fond duquel s’étalent Tunis et ses banlieues s’ouvre largement sur le détroit de Sicile, qui opère la jonction entre les deux bassins de la Méditerranée. Du côté du continent, il se place au point de convergence de voies de circulation aisées (vallées et dépressions du Tell, plaine orientale).
Instaurée dès le XIIIe siècle aux dépens de Kairouan par les Hafsides, la primauté politique et administrative de Tunis se maintient sous la domination turque et sous les Husseinites ; elle est confirmée par le protectorat français favorable à la centralisation. Depuis l’indépendance (1956), l’établissement d’un régime présidentiel et l’essor d’un secteur étatique de l’économie ont encore tendu à la renforcer. En fait, Tunis groupe tous les organismes directeurs de la vie politique, administrative et économique. Son rôle dans la vie intellectuelle de la Tunisie n’est pas moins dominant : les établissements d’enseignement supérieur et de recherche s’y concentrent, de même que les principaux instruments de la pensée et de la culture.
Mais l’agglomération tunisoise est aussi un grand centre commercial. Son activité repose sur celle du port de La Goulette (Halq al-Wadi, 3,5 millions de tonnes de trafic en 1992). Par lui s’exportent les productions agricoles et minières d’un arrière-pays qui englobe la quasi-totalité du Tell et des Steppes, et s’importent les produits manufacturés redistribués dans tout le pays.
La concentration des matières premières et des capitaux à Tunis en font le premier centre industriel du pays. L’artisanat décline, à l’exception de celui qui est orienté vers des productions destinées aux touristes. Les industries alimentaires dominent largement (minoteries, semouleries, fabriques de pâtes, huileries) devant celles du bâtiment, les fonderies de métaux, les industries mécaniques variées, les industries chimiques et textiles.
La structure de l’agglomération tunisoise reflète à la fois son brillant passé et son dynanisme actuel. Établie sur le flanc de la colline séparant la lagune de la sebka Sedjoumi, la médina occupe le site urbain primitif choisi pour sa valeur défensive contre des agresseurs venus de la mer. Avec ses belles mosquées, ses souks de commerçants et d’artisans, ses hammams, ses rues tortueuses et ses impasses, elle conserve l’attrait des villes musulmanes, malgré de regrettables mutilations (destruction des remparts, de la Hara). Du temps du protectorat, la ville moderne et des faubourgs résidentiels se sont étalés sur les terrains plats jusqu’en bordure de la lagune, selon un plan en damier typique. Au-delà, des banlieues envahissantes, industrielles (djebel Djelloud) ou de résidence (El Ariana, La Manouba, presqu’île de Carthage), mangent la campagne environnante. La lagune est progressivement comblée et urbanisée.