Djerbien de naissance, avocat de formation, politicien de vocation, Salah ben Youssef (Salah ibn Yusuf), figure de proue, avec Bourguiba, du nationalisme tunisien, était promis, par ses éminentes qualités, à lavenir que lui assurait auprès du Combattant suprême son rôle de brillant dauphin. Secrétaire général du Parti socialiste destourien, le Néo-Destour, il joue un rôle de premier plan en labsence de Bourguiba, président exilé (1948). Il est désigné en août 1950 par le parti pour occuper un poste ministériel (gouvernement Chenik) dans le cadre dune expérience (qui échouera) de négociation avec le résident général Perillier. Chargé de porter à lO.N.U., réunie à Paris, une plainte tunisienne (mars 1952), il échappe de peu à larrestation et à la déportation. Tandis quil se déplace dans le monde (il est reçu par Nasser, par Nehru, par Zhou Enlai) pendant plus de trois ans, les accords avec la France sur lautonomie interne sont signés. Ce fait accompli sans lui et quil tient pour «un pas en arrière et une entrave» lulcère. Lévacuation des troupes françaises de lensemble du territoire tunisien constitue à ses yeux un préalable indiscutable à une véritable indépendance nationale. De lieutenant et dami fraternel de Bourguiba (qui rentre triomphant le 1er juin 1955 à Tunis), il devient son ennemi irréductible. Une épreuve de force, terrible et déchirante, va sengager avec les membres du bureau politique du parti, coupables de pratiquer une «politique de reniement et de trahison» à légard du peuple tunisien et de la révolution algérienne. Rentré du Caire en Tunisie en septembre 1955, il sengage dans la voie du pire, mettant en uvre un plan dagitation dans tout le pays. Démis de son poste de secrétaire général du Néo-Destour et exclu du parti, il persiste dans son action jusquen janvier 1958. Traqué, il fuit à Tripoli, puis au Caire où il bénéficie dune brouille passagère entre Bourguiba et Nasser ; mais bientôt sa présence devient gênante. Resté intraitable à légard de Bourguiba qui, par sentiment, le reçoit à Zurich en mars 1961, Ben Youssef se retire en Allemagne où ses jours seront comptés : le 12 août 1961, il est assassiné dans un hôtel de Francfort où lont attiré deux compatriotes.